En général, le mercredi après-midi, Chie restait soit dans sa chambre à faire une très longue sieste sous trois tonnes de couettes, soit elle allait se promener dans le jardin ou la forêt, là où il ne pouvait y avoir personne et se posait de temps en temps pour dormir. Cependant, ce jour-là, on était le 6. C’était le jour des comptes, moment sacré où Chié réclamait le calme. Elle s’était donc rendue à la bibliothèque dans l’espoir d’y trouver une atmosphère propice au travail. Fort heureusement, avec une température de 25°C en automne et un joli petit soleil, les élèves étaient tous dehors, en train de s’amuser, loin de penser aux devoirs de mathématiques ou de français.

Chie était justement en train de traverser le couloir en direction de la bibliothèque. De son petit pas maladroit, elle avança quelques mètres et s’arrêta devant la salle. Un cri au loin fit sursauter la jeune fille. Elle savait pertinemment que ce n’était pas un hurlement de détresse puisque cela ne venait pas de sa tête mais de l’extérieur. Elle se tourna donc vers la fenêtre ouverte à sa droite et aperçu deux jeunes filles, revolver à la main, en train de s’asperger d’eau froide.
Indifférente mais un petit peu envieuse de pouvoir s’amuser avec un ami, elle se détourna de ce spectacle pour s’insérer dans la salle. Elle s’installa sur la table la plus proche et sortit ses feuilles pleines de chiffres ainsi que son ordinateur. Avec un petit sourire en coin, elle commença à taper sur son clavier à une vitesse fulgurante. Quelques fois, elle se posait sur sa feuille, et examinait attentivement les chiffres. Son regard était plus vif, plus joyeux. Elle était tellement concentrée qu’elle en oubliait presque la peine du monde.

La bibliothèque était très calme. On pouvait apercevoir un petit groupe d’intello qui travaillait pour avoir la meilleure note de la classe juste à côté du bureau de la surveillante. D’autres, sur les fauteuils à l’étage lisaient des livres pour passer le temps. Que ce soit les travailleurs ou les rats de bibliothèque, tous étaient silencieux.  Seulement, lorsque les intellos tombaient sur un problème compliqué, leur panique et inquiétude irritait la jeune fille qui tentait de faire abstraction.

Chie continua à se pencher sur les comptes du Conseil. Elle avait classé les fonds par fonction. La moitié de l’argent pouvait uniquement servir au matériel scolaire. Un quart pour les évènements comme les sorties et l’autre quart était des fonds à utiliser seulement en cas d’URGENCE. De nombreux membres du conseil ont essayé de s’en servir pour des bricoles, mais quand il s’agit d’argent, Chie est intransigeante. Ils ont subit la colère de la jeune fille et n’ont pas réitéré leur tentative.  Elle avait conscience qu’elle ne devait pas se faire remarquer au risque que l’on découvre sa fonction et qu’on lui dérobe l’argent du pensionnat. Elle jetait donc un coup d’œil toutes les 5 minutes au cas où un rebelle se cachait parmi les dévoreurs de livres ou les premiers de la classe.

Un fois vérification faite, elle se mit à faire le point sur les dépenses du mois ainsi que l’argent gagné lors de ventes au profit du conseil. La jeune fille en était à l’investissement des craies lorsqu’elle entendit un petit bruit sourd. Elle sursauta, ferma son ordinateur et regarda dans les alentours d’un air suspicieux. Lorsqu’elle remarqua la jeune fille à ses côtés, elle lui lança un regard plein de reproches tout en rangeant ses feuilles parsemées de nombres et dit :

- On est dans une bibliothèque ici !

La jeune fille qui venait de la déranger la regardait d’un air faussement gêné. C’était une très bonne comédienne. Seulement, ses émotions étaient en contradiction avec ses expressions. Irrité par cette hypocrisie, Chie se mit à examiner son adversaire. Elle était assise à deux chaises de la petite fille et avait l’air plus grande qu’elle. Il faut dire qu’elle n’avait pas trop forcé pour la dépasser... Le plus étonnant chez elle est sa longue chevelure rose qui cascade le long de son dos jusqu’à son bassin et sa peau très claire. A cause de cela, on pourrait la comparer à une poupée. Son petit air innocent qui pourrait en berner plus d’un accentue cette ressemblance.  Si  l’inconnue avait fait preuve d’un peu plus d’honnêteté, Chie aurait un peu plus prêté attention à elle. Elle devait quand même reconnaître que pour leur première rencontre, elle avait fait fort. En général, le mensonge vient après deux ou trois répliques. C’est justement à ce moment-là que la jeune fille choisit de parler.

- Excuse moi je ne voulais pas te déranger.

Bien sûr, ce n’est pas maintenant qu’elle allait arrêter de mentir. Chie détestait les mensonges. C’est par cela qu’elle n’en fut que plus contrariée. Elle s’apprêtait à lui lancer une tirade sanglante, lorsqu’elle sentit quelque chose, quelque chose qui voulait entrer en elle. La petite examina quelques seconde cet aura, et compris le don de l’inconnue. Elle pouvait charmer les gens. Malheureusement, en plus d’y être insensible, elle pouvait le détecter avec l’aide de son capteur. Elle repoussa mentalement le charme et s’apprêta de lui répondre, mais fût devancée par la jeune fille qui arborait un sourire angélique :

-C'est quoi que vous êtes en train de faire ?

Enfin une réplique honnête ! Il ne restait plus qu’à enlever ce sourire forcé et elle obtiendrait une conversation intéressante.  Malheureusement, elle ne pouvait répondre à sa question. Imaginez que ce soit une rebelle ! Chie ne pouvait pas mentir non plus… La seule solution, était de détourner la conversation. Elle lui dit donc sur un ton un peu moins désagréable :

 -  C’est vrai que tu m’as dérangé. Mais le plus gênant est le fait que tu sois en train de me mentir.

Elle regrettait un peu d’avoir été aussi froide. Après tout, elle n’avait pas l’air méchant. Malheureusement, pour la reine de glace, c’était difficile de devenir brusquement chaleureuse. Pourtant, elle aimerait se faire un peu plus d’amis… Mais ce brouhaha permanent dans sa tête la rendait très irritable. Elle fit donc abstraction de toute plainte ou cris dans sa tête et se présenta poliment, sans aucune expression faciale.


- Je m’appelle Chie Kazehana, j’ai quatorze ans et j’ai horreur des mensonges. Et toi ?

[PS : je risque de modifier quelques trucs, mais tu peux commencer à répondre ! ^^]