Alice & Aloïs.
Feat'

La détestable sonnerie annonçant le début mais également la fin des interminables heures de cours venait de résonner une énième fois dans les couloirs déserts qui ne tarderaient alors pas à se remplir. Aloïs vagabondait pour sa part entre les étages depuis une ou deux heures. Elle avait comme bien souvent séché les tortures matinales qu'on avait voulu lui infliger, s'offrant premièrement une grasse matinée bien peu mérité puis une longue errance jonchée de quiétude et d'avions en papiers. Il n'était pas sage d'enfreindre ainsi le règlement, mais ce stupide texte, la jeune anglaise ne le respectait pas souvent alors se faire sermonner une énième fois ne la gênait absolument pas le moins du monde. De toute manière, plus on s'amusait à restreindre ses libertés, plus elle s'amuserait à les convoiter et violer ces entraves.

Elle revenait tout juste de la cafétéria, ayant profité de son calme à cette heure-ci pour prendre un curry à emporté. Elle avait pour but de le déguster sur le toit du pensionnat et grimpait les escaliers quatre à quatre, il ne fallait pas que ça refroidisse!
Tous les élèves s'étaient désormais précipités vers les cuisines et s'entassaient désormais dans le minuscule réfectoire où Aloïs ne déjeunait jamais, si peu d'espace, c'était pour elle un lieu plutôt angoissant. Elle se croyait donc solitaire dans ce bâtiment et ne se préoccupait aucunement de ce qui l'entourait, déjà transporté par la pensé sur le lieu d son déjeune. Ainsi, elle ne vit pas la jeune fille qui s'apprêtait à la percuter, criant pourtant un vain "attention!".

La blondinette tourna la tête bien trop tard et rencontra violemment une petite demoiselle aux cheveux immaculés. Toutes deux roulèrent jusqu'en bas des marches. Sonnée, Aloïs se releva en grommelant mais pu constater avec une joie tempérée qu'elle n'était pas blessée, l'état du missile-humain qui l'avait heurté ne lui importait guère pour l'instant. En revanche, son déjeuné se portait beaucoup moins bien, étalé sur le sol et sur leurs vêtements, son pique-nique venait de tomber à l'eau.

La jeune femme s'enflamma et repoussant la pauvre jeune fille écrasé contre elle et se mit immédiatement à lui hurler un chapelet d'insultes.

"Non mais je rêve! C'est pas possible d'être aussi stupide! Regarde un peu où tu vas sale gosse! Je vais t'expliquer comme il faut comment se déplacer dans les couloirs quand on est qu'une gamine dans ton genre!"

Alice & Aloïs.
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La demoiselle était-elle naïve ou tout simplement stupide? Aloïs avait beau avoir un comportement assez primitif, l'ignorer comme un vulgaire animal ne la ferait pas disparaître pour autant, bien au contraire. De la même manière, l'arroser une seconde fois de curry n'arrangerait pas les choses, la petite fille aux yeux remplis d'innocence ne faisait que creuser sa tombe un peu plus profondément.  
Ses pitoyables excuses agacèrent un peu plus la jeune anglaise qui continua à lui vociférer dessus tout en l'attrapant par le col:

"Gnagnagna! "La chose qui a volé mon déjeuner" Tu te crois dans X-files ou quoi? Et je te ferais remarqué que tu as dilapidé mon repas! Et tes excuses débiles tu peux de les garder! "

Le charme enfantin de la "sale gamine" n’opérait visiblement pas sur la colérique blondinette qui secouait désormais sa victime dans tous les sens. Elle se prendrait une sacré dérouillée une fois qu'Aloïs aurait finit de lui expliquer sa vision de la situation. Elle espérait juste qu'un abruti de surveillant ne se pointerait pas prochainement, elle ne supportait pas d'être interrompue dans son "boulot" et une nouvelle frustration la ferait littéralement exploser, le sort de son curry suffisait amplement pour aujourd'hui.

Bien évidemment, la colère multipliant involontairement ses capacités, une importante masse d'avions en papiers se matérialisaient dans le dos d'Aloïs. Une armée d'aéroplanes qui ne cessait de prendre de l'ampleur à chaque mot prononcé.  Finalement, un petit tabassage gratuit valait bien la perte d'un curry.

Alice & Aloïs.
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Pour quelqu'un sur le point de se faire tabasser, la demoiselle ne semblait pas bien effrayée. Une habituée? Du bluff? Ou se persuadait-elle qu'Aloïs ne passerait pas à l'action? Peu importait, mais la peur lisible sur les traits de ses habituelles victimes satisfaisait généralement l'orgueil de la jeune anglaise tandis que l'actuel ton monotone nourrissait son agacement. Il lui semblait évident que son précieux curry devait être remplacé, mais l'idée de perdre son temps dans la queue de la cafétéria ne l’enchantait guère.
Alors qu'elle songeait à envoyer la pitoyable créature récupérer son déjeuner, celle-ci se déroba à son étau et, à pas feutré, se glissa dans le dos de la blonde pour ramasser un des aéroplanes de papier. Sous l'effet de la surprise, quelques avions perdirent leur animosité et s'écrasèrent sans bruit contre le sol.  

La fillette aux cheveux neige semblait réellement fasciné par ces simples pliages et celle qui l'instant  d'avant s'apprêtait à la massacrer se montra quelque peu flattée. Un faible sourire moqueur se dessina sur ses lèvres, pour la première fois de sa vie, on admirait son don. Ce pouvoir qu'elle méprisait tant, inutile, ridicule et enfantin, un individu si intéressait sans se moquer. Peut-être était-ce un piège? Aloïs adopta à nouveau son attitude défensive et siffla

"Tss, ce ne sont que de ridicules avions en papier! Pas besoin d'être un génie pour en faire! Tous les gamins y arrivent!"

Une fois de plus, tandis qu'on lui portait une attention particulière, que la chance de se lier d'amitié se présentait à elle, elle l'avait laissé filé. Chassée à grands coups de pieds sans ménagement. Si elle regrettait son attitude, elle n'en laisserait rien paraître et le mépris se fichait sur son visage.
Afin de récupérer l'attention de sa "proie", elle frappa cette dernière derrière la tête.

Alice & Aloïs.
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Une fois de plus, la jeune fille ignora la méchanceté d'Aloïs, à force, son bourreau finirait-il par se lasser? Personne ne pouvait en avoir la certitude et à en juger le tempérament habituel de la jeune anglaise, elle ne lâcherait pas si facilement l'affaire. Cependant, les paroles qui suivirent, débitées à son égard, lui firent oublier "l’affront" qu'on venait de lui expédier à la figure.
Tout d'abord, l’absence d'adresse pour les pliages que la demoiselle avait manifestée mêlèrent pitié et amusement en la blondinette au sang-chaud. Qui ne savait pas fabriquer d'avions en papier? Dès leur plus jeune âge, tous les bambins s'appliquaient à en faire voler en classe. Mais cette partie insignifiante de la réplique cinglante parut bien désuète face au reste. Sans avoir eut besoin de faire pression sur sa proie d'apparence si fragile, celle-ci lui avait offert son don sur un plateau d'argent.

En général, Aloïs n'avait que faire du pouvoir des autres élèves, mais ici, sentir ainsi toutes ses émotions percées à jour la laissèrent bouche bée. Savoir ses sentiments les plus secrets mis à nu pouvait tout aussi bien continuer à l'énerver ou au contraire la calmer, pas besoin de mentir à cette petite puisqu'elle connaîtrait toujours votre visage sans le moindre masque. Tandis qu'elle se questionnait sur l'attitude à adopter, la jeune fille s'adressa à elle avec remords, la suppliant de tout oublier.

" Je ne te crois pas stupide, juste beaucoup trop naïve. Mais j'espère quant même que tu ne crois pas réellement que je vais gentiment te laisser filer en oubliant tes conneries? J'ai vraiment l'air d'une crétine super aimable? "

Finalement, la pitié l'emporta sur tous le reste. Aloïs, habituellement si hargneuse se laissa aller et lâcha sa victime. Cette petite chose résignée n'était pas le genre d'adversaire qui l'intéresserait aujourd'hui, une autre fois peut-être mais dans l'immédiat, elle avait surtout faim. Son estomac grogna, elle soupira. Les mains dans les poches elle tourna les talons, fit quelques pas sans se presser, attendant malgré elle la demoiselle aux cheveux blancs.

"Bon, tu viens, on va bouffer? "